lundi 19 juillet 2010

BATOCHE, PARTIE 1: Sur la route



Je tiens à m’excuser auprès de mes fervents lecteurs pour le silence de la dernière semaine. À tous ceux qui croient encore que la Saskatchewan est ennuyante, sachez que je n’ai pas arrêté de la semaine. Nouvelle école par-ci, procès par-là, je n’ai pas eu une seconde pour souffler. En plus, mon mentor, Olivier Bachand, est en vacances. Me voilà donc tout seul comme un grand, à couvrir les grosses histoires. Je remercie d’ailleurs Marjolaine Perron, qui cette semaine m’a été d’un grand secours.

Alors, lorsque la fin de semaine est arrivée, j’ai bien décidé de profiter de mon séjour en Saskatchewan pour – ENFIN! – sortir de Regina et visiter la province. Premier arrêt: le parc national de Batoche, à 4 heures de route au nord de la capitale.

Batoche est un tout petit village, au bord de la rivière Saskatchewan Sud (qui, malgré ce que son nom laisse croire, passe dans le centre de la province). Ses habitants sont des Métis, les descendants de Louis Riel et Gabriel Dumont.

Il existe plusieurs routes pour se rendre à Batoche, mais la plus belle, quoique longue, est la route 11. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec les routes saskatchewanaises, c’est un peu comme la 117 lorsqu’elle coupe à travers champs à Saint-Janvier, mais avec une limite de vitesse de 110 km/h. Cette route serpente entre les champs et les vallons, de la frontière américaine à Prince Albert, à 5 heures de route au nord de Regina. Durant près de 4 heures, c’est elle que j’ai suivie, à bord d’une petite Camry grise louée à l’aéroport de Regina.

Les paysages, entre Regina et Rosthern, sont à couper le souffle. Des champs, bien sûr, si longs et larges qu’on n’en voit pas la fin. Des champs de canola, faisant une tache jaune sur des kilomètres, des fourrages, où les vaches vont paître, des champs inondés, où des étangs s’étendent entre les piquets de bois, parfois calmes, parfois agités, selon le vent. Mais pas que des champs. Des vallons, verts comme sur une carte postale de l’Irlande, tout découpés le long de la route, et si hauts qu’à cinq mètres d’eux, on se croirait face à une montagne illuminée par le soleil à son sommet. Des buttes, d’une couleur ocre, ni brune ni rouge, sur le flanc de petites collinettes, avec une vague ressemblance aux paysages de l’Île du Prince Édouard, mais avec du vert toujours non loin. Une rivière, visible de loin, sur la hauteur de la route, s’écoulant paresseusement sur des kilomètres le long du « highway », avant de s’éloigner d’un coude brusque vers l’est, avec une vallée de l’autre côté, verte comme la Comté dans le film Le Seigneur des anneaux, dressant son flanc pour époustoufler l’automobiliste rêveur. À quiconque imaginait la Saskatchewan comme une plaine dorée à perte de vue, révisez votre position.

On fait également de drôles de rencontres sur la route 11. Des camions de rancher, transportant des chevaux, des plaisanciers avec des bateaux, des dix roues avec des rondins de bois gigantesques, chaque billot, le tiers d’un peuplier mature. De curieuses marchandises, aussi: des remorques traînant, fixés sur le towing, des tanks militaires, se rendant Dieu sait où au nord de Regina. Également, de petites bêtes écrasées sur le long de la route, comme au Québec. Mais « petites » est relatif. J’ai croisé des ratons laveurs énormes, et une fois, la dépouille d’un malheureux faon, éventré par quelque vilain camion. Navré pour les amateurs de Bambi.

Après tout ce spectacle bucolique, on arrive à Saskatoon, la ville aux ponts, la grande cité du centre de la province, le Montréal de la Saskatchewan. 220 000 habitants seulement, mais quelle vitalité! Quel spectacle! Des gratte-ciels, des usines, des annonces publicitaires géantes à néons, un théâtre de trois étages de haut. Qu’une petite halte pour remplir le réservoir à essence maintenant à moitié, mais quelle ambiance incroyable!

Retour sur la route 11. Direction: Prince Albert. À nouveau des champs de chaque côté. On remarque un changement de végétation. Au sud de Saskatoon, des prairies aux herbes folles, quelques feuillus éparpillés par-ci par-là, des buissons touffus. Mais au nord de la ville, la forêt reprend peu à peu ses droits. Les buissons prennent de plus en plus de place, les feuillus se mêlent aux conifères, puis disparaissent bien vite, cédant la place aux majestueux pins, sapins et épinettes. Nous voilà à la hauteur du Saguenay. Peut-être même un peu plus haut. Le paysage familier du Bouclier canadien, quoique si différent du Québec, ressort doucement, même si les champs sont toujours rois et que le sol est organisé pour rapporter des cultures. Plus de canola ici. Une culture que je ne connais pas: un arbuste bas, vert, feuillu. Un peu comme un chou, mais plus haut, et avec des feuilles moins larges et luxuriantes. Et surtout, des pâturages: nous sommes en terre d’élevage. Légère nostalgie: ça rappelle Sainte-Anne-des-Plaines, mais avec des panneaux en anglais.

Soudain, un espace à découvert, des champs plus bruns: la terre est visible, sans doute ces plantes cultivées commencent à peine leur croissance. Coup d’œil à l’horloge de la voiture: voilà 3 heures et demie que nous avons quitté Regina. Une pancarte: Rosthern, 1 km. Deux mètres plus loin, un panneau brun, touristique: Batoche, Canada Parks, road 312 East. Next on your right.

La sortie vient très vite. Sortie est un grand mot: c’est une route en gravier qui apparaît, large, entre deux champs, et qui se rétrécit très vite. Une seule voiture passe maintenant dans chacun des deux sens de la circulation. Une pancarte nous prévient que les folies de vitesse, c’est fini: 80 km/h et des courbes. Bienvenue sur la route secondaire 312.

15 minutes sur la 312. Des champs de chaque côté, avec des herbes folles. Sûrement du fourrage pour le bétail. Quand les champs s’arrêtent, de petites allées de gravats s’en vont en direction nord-sud. Entrées privées des fermiers locaux. On continue vers l’est. Des pancartes, disposées environ à chaque 3 km, nous disent de ne pas nous décourager: Batoche est de plus en plus près. Enfin, un signe encourageant: road 221 North. Batoche 9 km.

On tourne à gauche sur la 221, direction nord. Que des façades de maisons et de bâtiments agricoles des deux côtés de la rue, entrecoupées de herbes hautes. De magnifiques chevaux de trait, au poitrail massif et aux pattes larges, qui broutent paisiblement, en vue. Sur les boîtes postales plantées au bout de piquets, à côté de chaque entrée, des noms familiers: Caron, Belanger, Boyer. Nous voilà sur les terres des Métis. Le périple tire à sa fin.

Un fonctionnaire en bottes, avec un gilet orange, nous envoie la main, et nous fait signe de suivre la route, qui tourne brusquement à droite. Le tournant traversé, on revient sur la gauche pour apercevoir, entre les arbres et les herbes hautes, qui sentent le foin, dans le soleil du début de l’après-midi, un bâtiment blanc: Administration. On le contourne, et on prend un autre tournant à droite. Une entrée ouverte et un immense panneau, digne du camping Lausanne. Enfin, la pancarte tant attendue: Batoche Historical Park. Welcome/ Lieu historique de Batoche. Bienvenue.

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