samedi 14 août 2010

L’AGRICULTURE EN PÉRIL?



Dans le cadre du travail, je suis parti deux jours, mercredi et jeudi, sur la route. Objectif: faire un reportage sur l’agriculture dans le sud-ouest de la province. Je me rends donc à Ponteix, un petit village encore très francophone, à trois heures de Regina. C’est une région très aride, sèche, où le relief vallonné donne des paysages à couper le souffle. L’herbe ici n’est pas verte: c’est jaune, tirant sur le vert très pâle. La terre est rougeaude, entre le brun et l’ocre. Cela ressemble un peu à l’Arizona. Cette terre, sans eau, deviendrait un nouveau désert du Nevada.

À Ponteix, la situation des agriculteurs n’est pas rose. Depuis dix ans, le prix du blé a chuté drastiquement, menaçant les fermes familiales traditionnelles. Il a fallu diversifier. Mais avec le climat plus sec dans cette région qu’ailleurs dans la province, peu de choix s’offre aux cultivateurs. Le canola ne pousse pas bien, il manque d’eau pour le lin. Résultat: la diversification n’est pas aussi payante ici qu’ailleurs.

C’est dans les légumineuses et l’élevage bovin que la majorité des fermiers de Ponteix se sont recyclés. Des pois et des lentilles sont cultivés ici en abondance, car ils ont moins besoin d’eau que d’autres plantes. Les enclos de bœufs et de bisons abondent. Mais depuis la crise de la vache folle, le prix de la viande n’est plus ce qu’il était. Et s’il manque d’eau, le foin vient à manquer.

Cette année, la région de Ponteix a eu de la chance. Après six ans de sécheresse, il y a eu cette année, jusqu’à présent, juste assez d’eau. Comme disait Robert Blanchard, un fermier de 86 ans qui a vécu toute sa vie à Ponteix: « Quand il y a un pied d’eau à Regina, il y en a un pouce à Ponteix. Fait que quand toute la Saskatchewan est inondée, nous autres, ça va bien. »

Toutefois, cette chance qui leur sourit n’est pas coutume. Et les agriculteurs le savent mieux que quiconque. Le village de Ponteix est, pour ainsi dire, à vendre. La plupart des commerces ne sont pas très prospères, apportant à leurs propriétaires juste de quoi vivre. Le manque de relève est criant: la moyenne d’âge du village et ses environs doit être de 50 ans.

C’est que les jeunes quittent pour la ville, afin d’obtenir un emploi plus stable. Le plus gros problème en agriculture, c’est qu’on ne peut jamais prévoir les conditions météo. Résultat: on n’a aucune idée si la récolte sera bonne ou mauvaise. On dépend complètement de la température. La baisse des prix, conjuguée à des conditions météo qui ne sont pas bonnes, fait donc des ravages à Ponteix, qui a perdu le quart de sa population, essentiellement des moins de 30 ans, depuis dix ans. Pour un cultivateur qui voit sa terre reprise par un de ses enfants, il y en a deux qui se retrouvent sans relève. Il en résulte un important vieillissement de la population, qui augure bien mal pour l’avenir.

Cette année, à Ponteix, la récolte sera bonne. Mais combien de temps pourra-t-on vivre sur ces économies d’ici la prochaine sécheresse? Et qu’arrivera-t-il lorsqu’il n’y aura plus de jeunes? Ce sont ces questions-là que se posent tous les agriculteurs que j’ai interrogé dans le cadre de mon reportage.

En plus du climat sec, Ponteix a un autre problème. Les chiens de prairies, appelés ici « gophers » ou « gauffres » par les vieux francophones, se multiplient depuis quinze ans. Ce sont des espèces d’écureuils, mais qui vivent dans des terriers. Ils dévorent la récolte, et font tellement de trous qu’ils ravagent le sol. Résultat: plusieurs fermiers brisent leur équipement agricole en butant dans ces trous, et réparer de telles machines est dispendieux. Une autre menace pour leurs revenus.


Les gens de Ponteix ont toutefois réussis à tirer profit de ces envahisseurs. Depuis quelques années, la chasse aux gophers est ouverte. Des gens des villes, des autres provinces et même des États-Unis viennent à Ponteix pour tirer sur les chiens de prairies. Ils sont facilement capables, en une heure, de tuer mille gophers. Oui, vous avez bien lu: mille! C’est que chaque gopher fait de six à huit petits par portée, et que les périodes de sécheresse sont idéales pour leur reproduction. Depuis six ans, donc, combien pensez-vous de chiens de prairies ont vus le jour? N’essayez pas de trouver le chiffre, ça vous donnerait le tournis.

Cette chasse aux gophers permet de faire rouler l’économie de Ponteix. De mai à juillet, quand les petits sortent de leurs trous, des touristes viennent manger dans les restaurants et dormir à l’auberge locale. Un revenu très bienvenu pour ces commerçants. Quant aux fermiers, ils accueillent bien sûr les chasseurs à bras ouverts. Ils dépensent en moyenne 20 000$ par année en poison pour gophers, mais cela ne tue environ que 50% des petits rongeurs. Alors, si ceux qui ont survécus peuvent recevoir une balle dans la nuque, ce n’est pas pour déplaire aux cultivateurs.

Bien sûr, cette industrie de la chasse aux gophers est encore embryonnaire, et cela ne fait pas vivre le village. L’agriculture reste encore l’activité économique numéro un de la région. Mais qui sait si, à la longue, là n’est pas le salut pour ces fermiers menacés par la faillite?

2 commentaires:

  1. C'est triste pour les gophers :(... mais en même temps... ya un équilibre à atteindre quelques part....

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  2. Juste vous dire que j'ai fait une erreur: le chien de prairies est un cousin du gopher. Le vrai nom français de gopher est "spermophile de Richardson". Toutes mes excuses pour cette horrible erreur de traduction. Comme quoi faut pas se fier à Wikipédia...

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